Marrons et
châtaignes d’Ardèche
Avant-propos
Notre
terre d' Ardèche offre tant et tant d'aspects différents entre hauts et moyens
plateaux, petites plaines de basse altitude, vallées étroites ou plus larges,
roches volcaniques, calcaires, schisteuses ou cristallines qu'elle permet a
chacun de satisfaire ses goûts. Mes préférences vont a ces pentes
cristallines, vers le pays a marrons et châtaignes, celui qui vous emmène ou
plutôt vous chahute de la région de Lamastre a celle des Vans par une
Succession de crêtes grises et sèches et de vallées vertes et riantes. Dans
cette Ardèche-la, rivé à la pente dans une tranche d'altitude allant de trois
cents à sept cent cinquante mètres l'arbre à châtaignes a été et reste
encore l'arbre-roi, malgré de nos jours quelques taches plus sombres, celles
des résineux ou l'homme le plus souvent, a essayé sans toujours penser aux conséquences
d'en faire de nouvelles Vosges. Par contre, les boisements en pin maritime sur
la façade cévenole, pin sylvestre en moyen Vivarais, pour l'essentiel sont
tout à fait naturels.
En parlant de l'Ardèche, vrai que la
diversité reste le maître mot. Pour ma part il se dégage une belle unité des
espaces ou le châtaignier domine, que l'arbre roi côtoie de grasses prairies,
de chétifs chênes verts ou déjà le méditerranéen olivier. Il y joue en
quelque sorte un rôle de dénominateur commun, de trait d'union entre tous les
villages si différents les uns des autres.
Cette Ardèche de la Châtaigne, il ne
faut pas en douter, c'est aussi l'Ardèche du pire, ou les caprices de Dame
Nature sont les plus fantastiques et ou ses excès sous toutes formes, sécheresse,
pluie diluvienne, orage, grêle, gel, sont monnaie courante. Mais c' est aussi
et surtout l'Ardèche des hommes, celle des travailleurs du silence. Ils ont façonné,
ciselé ces pans de montagne, fait véritablement leur terre de leurs mains; ici
tout n'est qu'empreinte de l'homme, de son génie et plus encore de son labeur
sans cesse renouvelle.
Une quinzaine de générations d'hommes
bien trempés ont transforme Boutières et Cévennes qui n'étaient a la fin du
Moyen Age encore guerre qu'un énorme tas de cailloux en un véritable et
authentique jardin, pas le Paradis non, simplement un merveilleux jardin ou
abondaient tant d'excellentes choses. Le défi lance par ces hommes a été
gagne, dans ce merveilleux équilibre modèle par leurs mains presque nues; ils
disposèrent d'une espèce fort bien adaptée, la plus compétitive entre toutes
pour employer un mot d'aujourd'hui confiée elle par le créateur, il s'agit de
l'arbre a châtaignes. Ils en firent bon usage !
Jugez plutôt, les surfaces consacrées a
sa culture se sont élevées au début du dernier tiers du 1er siècle a 58 000
hectares. On le rencontrait sur plus de deux cents communes: plus que l'ensemble
de la châtaigneraie française de cette fin du 20e siècle au point de vue
surface ! (Direction des
services agricoles).
Oui la châtaigne a joue un rôle considérable
dans l'alimentation humaine jusque dans un passe proche encore puisque présente
dans tant de mémoires, soit directement fraîche ou sèche, soit indirectement
transformée par tous les animaux de la ferme voire le gibier. Y a-t-il eu pour
autant, comme certains I'ont avance, une véritable civilisation du châtaignier
? La réponse est difficile mais I'image sans doute peu correcte: ce serait
trop peu tenir compte de l'avis des intéresses eux-mêmes. En effet. dans
chaque exploitation, cette production était accompagnée d'une multitude
d'autres cultures ou dominaient vigne et olivier en Cévennes les plus basses,
seigle et pomme de terre en moyen Vivarais et Boutières; et puis d'un élevage
dans toutes les situations de Laval d'Aurelle a Empurany, des moutons, des chèvres,
des vaches souvent les trois ensemble d'ailleurs dans l'équilibre d'autrefois.
Parce que les animaux I'occupent chaque jour de l'année. l'agriculteur se
considère d'abord comme un éleveur, ensuite seulement un producteur de châtaignes.
Par contre son surnom «d'arbre a pain» notre arbre roi I'a fort bien mérite:
il n'est conteste par personne.
Et c' est sans jamais avoir entendu
parler du vieux philosophe grec HÉSIODE qui vivait quelque huit cents ans avant
J.-C. que les agriculteurs de la pente ardéchoise en appliquaient ses
principes. Fort simples du reste, ils vantaient les mérites du système
autarcique «rien ne vaut tant que tout trouver chez soi». Après l'avoir
fait leur, aussi bien sous l'Ancien Régime que sous l'Empire ou la République
les voilà arrives des le début de la seconde moitié de ce 1er siècle a un
niveau de développement remarquable avec une densité humaine incroyable:
parfois, dans les basses communes, plus de cent habitants au kilomètre carre,
rien d'autre que I'actuel niveau de population des zones maraîchers du Sud
italien ou de celles, florales des Pays-Bas. Une telle densité humaine ne dépassait-elle
pas les possibilités réelles du petit pays? Si sans doute, dans ce cas ne
peut-on pas parler d’accident de l’histoire?